La Compagnie de l'Esquisse triomphe dans le Malade imaginaire de
Molière
Des rires par vagues et parfois un raz-de-marée d'hilarité submergent le
théâtre de verdure comble. Que joue-t-on ce soir là ? Un fantastique pied de
nez à la mort, une envie irrésistible de rire du pire : la maladie et la mort.
Cette mort qui emportera Molière sur scène dans le rôle d'Argan, son hilarant
Malade imaginaire !
Toute l'histoire tourne autour de cet hypocondriaque, riche bourgeois veuf et
naïf remarié avec Béline qui simule son amour en escomptant sa mort pour
hériter. Saignées, purges et mille remèdes dispensés par des médecins aussi
pédants qu'incompétents ébranlent son cerveau au point d'obliger sa fille, la
douce Angélique, à épouser un aussi ignare que ridicule étudiant en médecine, le
fils de Diafoirus, pour avoir médicastre et apothicaire en permanence à la
disposition de ses obsessions.
Mais, par chance, comme presque toujours dans les comédies, le bon sens et
l'intelligence du petit peuple des domestiques font merveille sinon des
miracles. Toinette, la servante délurée, arrive à convaincre le pathologique
hypocondriaque à faire le mort et ainsi découvrir la duplicité de son épouse de
seconde main et au contraire la générosité de cœur de sa fille désespérée de ne
pouvoir épouser Cléante, l'élu de son cœur. Les scènes de tromperie se succèdent
où la mort rôde avec le fallacieux Purgon dont les menaces et objurgations ont
l'art de déclencher une angoissante hilarité. La médecine et les médecins du
temps de Molière ont été à jamais marqué au fer rouge de leur pédante ignorance.
Tous les comédiens de la compagnie de l'Esquisse, mis en scène par Frank
Biagiotti, sont extraordinaires de précision, de rythme et de joie de
jouer dans cette grande horlogerie du rire : Béatrice Arias dans le rôle de
Toinette ; Lucile Barbier en Béline ; Frank Biagiotti, le Père Diafoirus ;
Nicolas Dandine, Cléante et Purgon ; Marc Faget, Le Notaire ; Jérôme Jalabert,
Argan ; Mirabelle Miro, Angélique et Louison et Samuel Matthieu, Béralde.
Car
faire rire aux larmes un public enchanté sur un tel sujet signe le talent des
acteurs au service du génie de Molière, le maître absolu de la Commedia dell
Arte à la française.
Daniel Fender, La Montagne